Empédocle ; L’éclair de Spinoza (Romain Rolland)
Prix Nobel de littérature en 1916, Romain Rolland est pétri d’humanités.
EAN : 9782845784291
Prix : 10 euros
Dans ce petit ouvrage paru aux éditions Manucius, nous pouvons découvrir un court récit autobiographique, qui témoigne de l’influence qu’a eu la lecture de Spinoza sur l’auteur : ce fut une Révélation. Le texte, intitulé L’éclair de Spinoza mériterait de figurer en guise de Préface à l’Ethique : à peine lu, l’on se précipite sur les démonstrations, les propositions et les scholies du philosophe, pour être frappé du même éclair que Romain Rolland. Au travers de cette louange lyrique à l’Ethique, des considérations sur la lecture nous font comprendre notre propre soif de livres :
“on ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres, soit pour se découvrir, soit pour se contrôler“.
Ainsi, Romain Rolland n’entend pas revêtir le rôle de l’exégète de Spinoza, mais bien plutôt nous le découvrir sous ses propres atours ; c’est la réalité de son être même, et partant, de l’Etre par antonomase, des essences immuables et éternelles dont il prend conscience à la lecture quasi mystique de l’Ethique.
Dans le texte qui précède, c’est Empédocle qui est érigé au rang de Dieu. Dans une verve lyrique exaltée de laquelle on ne peut se déprendre du début à la fin de l’ouvrage, Romain Rolland entreprend une biographie apologétique du présocratique, à la fois physicien, philosophe, mage, guerrier révolutionnaire, poète et dramaturge. Il en dresse un portrait tel que ceux qui figurent dans le chapitre consacré aux hommes extraordinaires dans Crimes et Châtiments, de Dostoïevski. Ce récit, vivace et édifiant, est ponctué par les fragments d’Empédocle qui ont échappé à la faucheuse des siècles,
“ils ont le charme fascinant des beaux marbres mutilés“.
La louange du récit quasi hagiographique dévoile les rouages de la philosophie empédocléenne. Le monde est régi de manière cyclique par l’Amour ou la Haine, et les quatre éléments sont la base de tout ce qui existe. Romain Rolland synthétise le Peri Phuséôs (De la Nature) d’Empédocle dans un élan mû par la philia (ou “l’Amour” dont parle le philosophe), en même temps qu’il déplore le fait que nous soyons passés au règne de la Haine :
“ Dans le vaste écroulement de notre civilisation, parmi les ruines de l’Europe, la pensée, bien des fois, erre dans le passé“.
Voici la légitimation du recours, voire de “l’éternel retour” à Empédocle, – selon les propres mots de l’auteur-, au beau milieu des affres de la première guerre mondiale.
Peut-être devrions-nous relire aussi les présocratiques pour mieux comprendre notre présent et espérer des jours meilleurs, à l’instar de Romain Rolland en son temps. A la fin du texte, “l’Amour” empédocléen se mêle à la “Joie” aux accents spinozistes : quelle que soit la situation, l’espoir demeure. L’optimisme de Romain Rolland serait-il utopique ? La question reste en suspens, laissée à l’appréciation du lecteur, lequel remarque incidemment que l’ouvrage est publié aux collections Lieux d’Utopies.
Fanny Bousquet