August Sander

Découvrez la collection Photopoche des éditions Actes Sud qui rassemble sur papier glacé des photographies célèbres dans une grande qualité de reproduction.

Pour la somme de 13 euros, vous pourrez ainsi arpenter 63 photographies majeures d’August Sander (1876-1964) reproduites en duotone dans la collection photopoche dès octobre 2008. Grâce à une introduction très riche de Susanne Lange, le lien entre chaque photographie fait sens et c’est toute l’œuvre d’August Sander que nous comprenons comme faisant partie d’un même objectif: rendre compte de la réalité sociale de son temps avec un souci accru de l’objectivité et un refus d’artialiser ses photographies. En somme, August Sander entendait rompre avec le mouvement artistique des photographes qui l’ont précédé et devient le précurseur, en photographie, du réalisme social. L’honnêteté de la représentation, caractéristique de l’œuvre de Sander, loin de rendre ses photographies neutres ou fades les met en relief : la pertinence des poses non artificielles, des choix de visages et des lieux témoigne d’une grande subtilité dans l’exercice de sa profession, notamment d’une observation précise des mœurs de son temps.

Le fondateur du Centre National de la photographie, Robert Delpire,  ne tarit pas d’éloges à propos d’August Sander:

Avec une admirable obstination, ce maître de la sociologie sans paroles a fait sur  trois Allemagne, celle de Guillaume II, celle de Weimar, celle d’Hitler, le portrait d’un pays convulsif et secret. Il a porté la même lucide attention aux ouvriers, aux banquiers, aux bourgeois ou aux soldats. Il avait une seule ambition : dire la vérité sur les hommes”.

Dans son fameux recueil intitulé  Hommes du XXe siècle ( Menschen des 20. Jahrhunderts), Sander s’attache à “voir les choses comme elles sont et non comme elles devraient ou pourraient être“. Pour ce faire, le matériau de base de son travail est, selon ses propres dires, le paysage. D’ailleurs, c’est sans doute des photographies de paysage et en particulier des photographies botaniques qui l’ont inspiré dans cette quête d’objectivité qu’il a menée en photographiant des visages. En effet, à l’instar de Karl Blossfeld (1865-1932) qui fut célèbre grâce à la publication, en 1928, de Formes primitives de l’art, rassemblant de nombreux clichés botaniques “objectifs”, August Sander publie l’année suivante Visages d’une époque (Antlitz der Zeit), le premier volet d’Hommes du XXe siècle, alors préfacé par Alfred Döblin.

Dans sa préface, Susanne Lange parle d'”exactitude artistique” pour caractériser le travail d’August Sander, expression qui n’est qu’apparemment oxymorique. C’est tout un art d’être exact en photographie, et si l’art en lui même a longtemps été considéré comme “objectif” par rapport à la subjectivité traditionnellement associée à l’art pictural, il s’agit de se méfier de cette prétendue objectivité de facto de la photographie, qui implique souvent des mises en scène, des temps de pause assez longs générant des flous, obscurcissant les coins et ainsi, dénaturant souvent la réalité de son référent. Avec les portraits des Jeunes Paysans, du Pâtissier ou encore du maître-serrurier, Sander tente de capter une information quasi documentaire dans l’expression du visage de ces hommes, et les choisit en fonction du fait qu’ils incarnent leur fonction au sens propre: ils l’ont dans la peau.

Issu d’une famille de neuf enfants, Sander travaille à la mine avant de faire de la photographie. Il connaît donc le travail des hommes qu’il photographie, il n’a pas l’œil détaché de l’artiste, mais l’œil lucide de l’ouvrier qui témoigne. Dès 1903 il commence à recevoir des distinctions pour ces photographies lors d’expositions et en 1913 il s’installe à Cologne où il ouvre son propre atelier de photographie dans le quartier de Lindenthal. Lors de la première guerre mondiale, alors qu’il est enrôlé dans la réserve territoriale, son épouse prend le relais de son activité, elle le remplace en réalisant des portraits de soldats.

Dans les années 1920, August Sander, rentré  depuis 1918, intègre le groupe  des Progressistes de Cologne autour de Heinrich Hoerle et de Franz Wilhelm Seiwert. Selon Wieland Schmied, cette union d’artistes “cherchait à concilier constructivisme et objectivité, géométrie et objet, général et particulier, conviction avant-gardiste et engagement politique ; elle représentait peut-être la tendance la plus riche d’avenir de la “Nouvelle Objectivité”, lorsque la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes (…) mit aussi une fin brutale à ses espérances-là”.

Ce groupe de progressiste diffusait leur Revue A bis Z où August Sander put publier ses photographies. Si la peinture se charge de reléguer une vision utopique du monde, selon Seiwert, la photographie, quant à elle doit établir des documents sur la réalité d’une époque, afin que cette époque puisse être connue et vue par la postérité. C’est l’objectif de Sander, tout au long de son travail. D’ailleurs, l’ordre est important et n’est pas fortuit dans ses œuvres. En effet, les clichés d’Hommes du XXe siècle sont ordonnés selon “le chemin qui va depuis l’homme dont l’acte est lié à la terre jusqu’à l’apogée de la culture de ses manifestations les plus délicates, avant de redescendre jusqu’au faible d’esprit“. Son cheminement se termine par la photographie d’une femme sur son lit de mort intitulée Matière: Il y a donc un retour à la terre. La terre, le paysage est pour Sander à la fois origine et fondement dans la pratique de son art.

Fanny Bousquet

 

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