Viktor Lazlo, Trafiquants de colère

(compte-rendu de la rencontre à propos de la promotion de son nouveau roman)

“Ils étaient une famille, un croisement improbable aux confins de la haine et de l’amour (…)”.

Tels sont les premiers mots du prélude du dernier ouvrage de Viktor Lazlo, paru fin janvier chez Grasset: Trafiquants de colère.

Avec une diction poétique, des descriptions subtiles et la lucidité que le poids de l’histoire confère aux existences singulières, l’auteure nous lit quelques pages de son nouveau roman. A l’occasion de son cinquième roman, Viktor Lazlo reprend quelques protagonistes de son roman antérieur, Les Passagers du siècle. Deux familles, l’une issue de l’esclavage et l’autre, ayant subi les pogroms d’Europe de l’est, la Shoah, se rencontrent. Un arbre généalogique précède les premiers chapitres du livre. Des éléments, profonds et poétiques retiennent notre attention, un personnage espère “écraser (ses) doutes pour que (son) cœur se calme”, des interrogations intérieures révèlent un tourment abyssal: “Comment se mesurer à l’absence ?”. Outre les états d’âme des victimes, des témoins de l’Histoire, des objets ou attributs sont mentionnés, comme un violon “pauvre témoignage d’une existence chahutée”… La musique du livre prend vie et tisse la trame des vies torturées des personnages, qui furent, avant l’espace de la fiction, des personnes de chair et de sang.
« A l’origine, deux femmes » nous dit l’auteure, et de cette rencontre naîtra tout un triptyque. Un troisième roman paraîtra donc, comme vient de nous l’annoncer Viktor Lazlo, pour laisser voix au chapitre à un nouveau personnage, un jeune homme dont le portrait est esquissé à la fin de Trafiquants de colère. Lors de la lecture de ce roman, nous remarquons un paradoxe révélé par une mise en abîme de la réflexion sur l’écriture au sein même de l’écriture de fiction : aucun écrivain ne peut dire les atrocités des camps. Cette phrase, insérée au cœur du livre, a été énoncée par un véritable survivant de la Shoah lors d’un témoignage diffusé dans un documentaire. Viktor Lazlo fait feu de tout bois, des archives et de son imagination prolifique. En reprenant une distinction foucaldienne de l’Archéologie du savoir, nous pouvons dire que l’auteure utilise les « oeuvres-documents » pour enrichir et créer une « oeuvre-monument » : son roman.
 
 
Viktor Lazlo nous répond à propos du paradoxe de l’impossibilité de dire l’indicible de la catastrophe : « tout a déjà été dit. Ce sont les personnages dans la terreur qui m’intéressent et non l’horreur en elle-même ». La place est faite aux personnages plutôt qu’aux situations, bien que ces derniers ne puissent s’en départir.
Mais si la gravité du sujet invite à une humeur mélancolique, ne vous y trompez pas, l’auteure nous rassure et rappelle que ce roman est avant tout une histoire d’amour, d’aventures et de rêves réalisés. Ainsi, la réalité des tragédies de l’histoire, bien qu’omniprésente, n’apparaît qu’au second plan. Les individus prennent les devants de l’histoire, sans doute est-ce une façon de leur faire prendre une revanche sur l’Histoire. Le ton glacial de certains passages du roman, « chaque centimètre sous nos pieds est imprégné de sang », nous procure une vive émotion et nous pousse à devenir nostalgique d’une mémoire que nous n’avons pas vécue, d’une mémoire désormais collective conservant l’intimité des vies de personnages singuliers, dont, par exemple :« le souvenir spectral du passé flamboyant de la ville »…
Retrouvez Trafiquants de colère, le dernier livre de Viktor Lazlo en librairie. Bonnes lectures !
 
Fanny Bousquet

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