La Femme fidèle, Sigrid Undset

26 janvier 2021

En 1928, Sigrid Undset (1882-1949) reçoit le prix Nobel de littérature.

Cette femme norvégienne arrive à se faire connaître dans le monde des lettres, alors majoritairement composé d’hommes. Avec une plume acerbe et précise, elle peint des histoires de mœurs intemporelles.

Sa saga médiévale intitulée Christine Lavransdatter connaît un immense succès. Dans l’ouvrage La Femme fidèle, on perçoit un écho paradoxal avec les premières lignes de la première nouvelle qu’elle a écrite en 1907: “j’ai été infidèle à mon mari”.
Le roman, scandaleux pour l’époque montre que l’amour véritable résiste à l’adultère mutuel, il transcende toutes les dérives et les erreurs de la chair.

Édité dans la collection blanche de Gallimard nrf en 1949, l’exemplaire du roman La Femme fidèle a été retrouvé par votre libraire spécialement pour vous. Neuf et rare, ce roman  est un des plus grands chefs-d’œuvres de Sigrid Undset, maîtresse de la peinture de mœurs.

Fanny Bousquet


Vita Brevis, Jostein Gaarder

20 janvier 2021

Épîtres authentiques ou pure fiction, l’authenticité de ce texte nous trouble.

Jostein Gaarder, connu pour son best-seller Le Monde de Sophie est l’auteur de ce roman épistolaire où sont retranscrites les lettres qu’auraient écrites Floria AEmilia, le grand amour de St Augustin, avant qu’il ne se convertisse.

Exprimant sa déception de femme délaissée, sa jalousie envers Dieu qui lui a pris l’homme de sa vie, sa fureur envers Augustin, parlant dans ses Confessions de leur fils comme l’enfant du péché, Floria AEmilia s’adresse à son ancien amant. Ses lettres mêlent intimité et sagesse, elles sont ponctuées par des citations latines de Tacite, Cicéron, Horace, Porphyre, Virgile et bien d’autres encore.

Femme lettrée, elle s’interroge sur des passages précis des Confessions afin de sonder l’âme de celui qu’elle a perdu à jamais. La crédibilité des lettres est un tour de force du célèbre écrivain norvégien. Certains astérisques renvoient à des locutions latines, mises en relief grâce à des notes de traduction.

Jostein Gaarder prétend avoir découvert le manuscrit lui-même et l’avoir traduit grâce à l’aide d’amis latinistes. L’authenticité de l’ouvrage intrigue, et pousse le lecteur à se jeter à corps perdu dans l’intrigue.

Vita Brevis, Jostein Gaarder, Points Seuil, 6 euros, 9782020574297.


Fanny Bousquet


Les rouages du YI JING

Découvrez pas à pas les rouages du Yi Jing, Le Classique des Changements, ouvrage fondateur de la pensée chinoise.

Avant qu’il ne prenne la forme d’un livre sous la dynastie des Han, ses enseignements figuraient sur des carapaces de tortues, les fissures qui parcouraient ces supports circulaires étaient porteuses de sens.

Cyrille Javary nous explique avec clarté tous les linéaments de ce recueil de 64 hexagrammes résumant des situations-types auxquelles l’on peut s’identifier.

À défaut de tirer les cartes, les Chinois calculaient leur hexagramme, ou “gua” reflétant les principes du Tao (le Yin et le Yang) élaborés par Confucius.

L’hexagramme majeur du Yi Jing a des résonances héraclitéennes :

la seule chose qui ne changera jamais est que tout changera tout le temps“.

Le berceau du mobilisme universel serait-t-il plutôt la Chine que la Grèce ?

Cyrille Javary, Les Rouages du Yi Jing,

Picquier poche, 7 euros, 9782809714364.

 

Fanny Bousquet

 

 


Ryässe ou le peuple oublié

9 décembre 2020

Le samedi 19 décembre 2020
de 14h30  à 18h
Mohamed-Nour HAYED

dédicace son premier roman

 

Ce que nous en savons:
premier roman, jeune auteur , édité (auto-édité) chez Edilivre.

Rencontrez  Mohamed-Nour HAYED pour découvrir
ses sources autobiographiques, son message sur la migration, sur ceux que nous oublions, … 

Ryasse ou le peuple oublié, premier roman du jeune et prometteur Mohamed-Nour Hayed sublime les blessures de son enfance en Syrie grâce à l’écriture.

Récit d’autofiction poignant, ce roman mérite d’être lu pour comprendre tous les enjeux de la guerre en Syrie et entrevoir la réalité de la vie là-bas, par delà la fiction.
Fanny Bousquet

 

Présentation de quatrième de couverture

Ryässe Youssef, un enfant syrien comme les autres, connaît une enfance heureuse à Alep, capitale économique et deuxième plus grande ville de Syrie. Cependant, son destin, celui de sa famille et de millions d’autres Syriens va basculer en mars 2011 : la Révolution syrienne marque son début. Après avoir connu la perte de son père, tué par les forces du dictateur Bachar El-Assad, Ryässe et sa famille vont connaître l’enfer d’une guerre d’une violence inouïe. Exode, bombardements, massacres de masse, Ryässe aura tout connu, et essaie, dans les lettres qu’il écrit à son père, puis également à son grand-père, de comprendre ce qui se passe autour de lui, mais comment décrire l’enfer ? La vie devient impossible et les Youssef se voient obligé de partir. Le chemin vers l’Europe est cependant dangereux, périlleux, fatal : la guerre les aura suivis jusqu’au bout. Ce roman est celui de Ryässe, mais aussi celui d’un peuple oublié : le peuple syrien, peuple héroïque et abandonné de tous.

Mohamed-Nour Hayed est né en 2002 à Alep, au nord de la Syrie. Porté par un désir de liberté, il décide de faire de sa voix son arme de lutte et écrit plusieurs chansons qu’il chantera lors de manifestations contre le régime de Bachar El-Assad dans sa région. Après avoir survécu et échappé à la guerre, il arrive en France en septembre 2014, à l’âge de douze ans. Il apprend alors le français et participe à plusieurs projets au cours de sa scolarité, notamment le projet du Convoi 77. Une volonté le pousse toujours vers l’avant : devenir défenseur des droits de l’Homme et intégrer l’ONU. Conscient de l’importance de la mémoire, il prend la décision, à dix-sept ans, de porter la voix des siens.


Lucky Luke : Un cow-boy dans le coton

26 novembre 2020

Achdé rend hommage aux traits de crayon de Morris dans cette nouvelle bande-dessinée des aventures de Lucky Luke, suivant un scénario écrit par Jul.

Nos représentations traditionnelles issues des westerns hollywoodiens sont bouleversées. En effet, l’Histoire nous apprend que 25 % des cow-boys étaient d’origine africaine et la plupart des autres hispaniques.

Bass Reeves fut un des cow-boys afro-américains les plus célèbres de l’époque. Cette BD relate ses exploits. Tireur hors pair, issu d’une famille d’esclaves, il s’attacha à faire régner l’ordre au Far West et fut nommé Marshal adjoint en 1875 à l’ouest du Mississippi.

Une première pour l’époque !

EAN : 9782884714655

Prix : 10.95 euros

Fanny Bousquet

 


Rendre le monde indisponible (Hartmut Rosa)

Rendre le monde indisponible, cet essai clair et concis d’Hartmut Rosa, fait suite aux précédents succès de l’auteur : L’Accélération (2013) et Résonance (2018).


L’objectif de la modernité à été de rendre “disponible” le monde aux hommes, de faire en sorte qu’ils puissent y vivre et en maîtriser les ressources.

Par ailleurs, la façon la plus authentique d’être au monde serait d’entrer en “résonance” avec ce qui nous entoure.

Mais que faire quand cette “résonance” est par essence indisponible ?

Paru aux éditions La Découverte en 2020, au prix de 17 euros, cet essai est traduit par Olivier Mannoni.

EAN : 9782348045882

Belle découverte !

Fanny Bousquet


Reconnaître le fascisme, Umberto Eco

“L’Ur-fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil”.

Ce petit opuscule d’Umberto Eco est issu d’un discours prononcé à l’Université de Colombia (New-York), le 25/04/1995. Il a ensuite été publié en français dans le recueil d’essais intitulé Cinq questions de morale, traduit par Myriem Bouzaher.

A mi-chemin entre un récit autobiographique relatant son expérience personnelle du fascisme et une réflexion sur ce qu’il appelle, en employant sans doute la particule prépositionnelle sur le modèle de l’emploi de Husserl dans sa philosophie, l’Ur-fascisme, c’est-à-dire le fascisme primitif et éternel, Umberto Eco nous donne les éléments théoriques, répertoriés en quatorze points, nécessaires pour reconnaître le fascisme.

Populisme, xénophobie, antisémitisme, nationalisme, haine de la culture, traditionalisme, culte des héros, tous ces indicateurs doivent nous mettre en garde contre un fascisme “fuzzy“, qui revêt des atours innocents, qui apparaît toujours de manière voilée et insidieuse.

Un texte classique à redécouvrir , publié dans la petite collection Grasset pour la somme modique de 3 euros.

EAN :9782246813897

Fanny Bousquet


Entre Opéra et Droit, présentation de l’ouvrage en avant-première

18 novembre 2020

Cet ouvrage collectif va paraître incessamment sous peu. Il voit le jour grâce aux multiples contributions d’artistes du monde lyrique, de professeurs de droit ou encore de politiciens.

Unique en son genre, Entre Opéra et Droit, dirigé par Mathieu Touzeil-Divina est édité par LexisNexis. Rédigé sous l’égide de Bernard Stirn, membre de l’académie des sciences morales et politiques et de Christophe Rousset, chef d’orchestre, l’ouvrage bénéficie d’une double approche, à la fois artistique et juridique qui lui permet de pallier les lacunes d’une seule perspective.

Ce beau livre, élégamment illustré, préfacé par Jack Lang, se compose de douze chapitres constitués de manière similaire : chacun débute par le portrait d’une personnalité du monde opératique (chef d’orchestre, metteur en scène, sopranos, directeurs d’opéras, costumiers) dont, entre autres Cecilia Bartoli ou encore Christian Lacroix. En guise d’ouverture on joue les portraits, cette première approche nous permet de découvrir ou de prendre connaissance des grandes personnalités de l’univers opératique.

Par la suite, une thématique mettant en relief l’enchevêtrement de l’opéra et du droit est proposée, comme par exemple celle de la théâtralité du procès, de la direction d’un opéra, de la gestion des publics, ou encore des cas d’application de la censure à l’opéra.

Dans un style clair et concis, chiffres, dates et anecdotes se mêlent à l’histoire de l’opéra, lieu de divertissement mondain où la fascination s’exerce, le charme opère grâce notamment aux “Enchanteresses” dont parle Jean Starobinski, ces cantatrices à la voix cristalline.

Grâce à de savantes variations des genres où se mêlent prose, statistiques et entretiens, l’on ne s’ennuie pas à la lecture de cet ouvrage conçu comme une grande variation sur un thème.

Si l’Opéra et le Droit semblent de prime abord antithétiques, nous découvrons qu’il n’en est rien. Il existe une juridiction propre aux théâtres, l’opéra est à la fois un lieu de subversion des normes à travers les spectacles, l’occasion renouvelée d’une purgation des passions (catharsis) mais il est encore le théâtre de l’expression des normes et des lois. Dans les coulisses de l’Ancien Régime, l’on aperçoit une myriade de litiges et de contentieux lyriques, tels que l’objurgation des chanteurs sous retenue. Chaque chapitre comportera l’histoire d’un contentieux qui a malmené le monde lyrique.

Enfin, les amateurs d’opéras pourront apprécier en guise de finale, une étude sur le droit dans tel ou tel opéra. Il est notable de remarquer que les opéras mis en valeur n’ont pas fait l’objet d’un choix arbitraire mais, au contraire, que chacun d’eux représente un exemple pertinent voire paradigmatique de l’influence du juridique dans l’art.

Cet ouvrage fera découvrir des opéras méconnus tels que l’Antigona de Traetta, Jeanne au bûcher de Honnegger, Fresichütz de Weber, la Platée de Rameau, Il matrimonio segreto de Cimarosa, Vasco de Gamma de Meyerbeer, et redécouvrir les grands classiques  tels que Camen de Bizet ou le Trouvère de Verdi.

Lohengrin, un des plus fameux opéras de Wagner s’ouvre sur un procès devant le ban du roi: écriture dramatique et dramaturgique se confondent,  livret et musique chantent à l’unisson les linéaments du droit pénal grâce à une immersion dans un procès.

Autre exemple patent où les institutions juridiques sont questionnées et même remises en cause à l’opéra, véritable institution de l’art : Cosi Fan Tutte, de Mozart. Norbert Rouland nous montre à travers cet opéra que la critique de l’impossibilité des divorces, tant manifestée à travers les arts et la philosophie des Lumières au XVIIIe siècle a pu contribuer à l’institution du divorce en 1791, en France. En effet, Cosi Fan Tutte  a été créé un an auparavant seulement : l’art a pu influencer l’ordre. Certains compositeurs ont étudié le droit, à l’instar de Haendel ou encore de Tchaïkovski. Toutefois, ce ne fut pas le cas de Mozart. Néanmoins, mettre en scène l’adultère et l’inconstance des amours dans son opéra, c’est une façon de se positionner face au droit, à la législation en vigueur, en l’occurrence l’indissolubilité des unions, et de la condamner en un procès artistique par l’ingénieux moyen d’une virtuosité musicale, d’un ordre impeccable dans la composition afin de peindre les plus grands désordres des mœurs amoureuses.

Si l’opéra donne souvent une image d’institution poussiéreuse et désuète, il s’agit de vaincre les préjugés et d’en juger par les chiffres, si ce n’est par l’émotion. En effet, le taux de remplissage des salles s’élève à 96% et la moyenne d’âge des spectateurs est de 45 ans. De quoi renverser l’opinion erronée des détracteurs de l’art lyrique.

Entre Opéra et Droit est un ouvrage qui pourra égayer vos fêtes de fin d’année avec des coloris rouge et or, comportant 220 pages de papier glacé. Vous pourrez le commander en inscrivant le titre et l’EAN : 9782711032549 dans votre mail ou en nous le demandant par téléphone. Dès sa parution prévue le 3 décembre, nous pourrons vous le proposer à la vente, au prix de 45 euros.

En attendant, profitez des opéras diffusés gratuitement en streaming sur les sites des différents opéras de France et d’ailleurs. Entre autres, L’opéra national de Grèce, (dont l’acronyme, ONG fera sourire les tenants du droit) vient de mettre à disposition du public, sur la toile, des spectacles-filmés.

Bonnes Fêtes !

Fanny Bousquet


Panthéonisation de Maurice Genevoix

11 novembre 2020

Aujourd’hui un Grand Homme entrera au Panthéon.

Maurice Genevoix (1890-1980), héros de la première guerre mondiale et fin lettré,

auteur de Ceux de 14, La mort de près, ou encore de Raboliot (pris Goncourt en 1925), parmi ses plus grands succès littéraires,

sera honoré ce jour du mercredi 11 novembre 2020 et pourra retrouver son ultime demeure, celle où reposent les Grands Hommes, celle qui manifeste la reconnaissance de la patrie française envers les personnalités majeures qui ont contribué à son prestige.

Profitez de ce moment d’hommage et de célébration nationale pour lire ou relire Ceux de 14 aux éditions Garnier-Flammarion, La mort de près aux éditions La petite, Vermillon, Raboliot aux éditions Grasset, son fameux roman-poème La forêt perdue, aux éditions du Rocher, ou encore d’autres titres de son œuvre prolifique.

Par ailleurs, afin de vous plonger dans le contexte d’écriture de Genevoix, redécouvrez l’ouvrage de Carl Bouchard, aux éditions Pedone,

consacré à la question du citoyen et de l’ordre mondial: le rêve d’une paix durable au lendemain de la Grande Guerre. (ISBN : 9782233005298, Prix : 23 euros)

Commandez les ouvrages de Genevoix directement auprès de la librairie :

Ceux de 14,

EAN : 9782081444560

Prix : 9.90 euros

 

 

 

 

 

 

 

Raboliot, EAN : 9782246822585, Prix : 9.90

La Mort de près,

EAN : 9782710380184

Prix : 7.10 euros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Genevoix l’académicien était non seulement un écrivain naturaliste mais encore un précurseur de l’écologie “sensualiste”, n’en déplaisent à ceux qui ont voulu lire à travers Raboliot notamment, un éloge du braconnage. Jacques Tassin s’attache à nous montrer l’engagement de Maurice Genevoix envers la nature et le décentrement qu’il opère d’un regard encore à l’époque, très anthropocentré sur les écosystèmes et la biodiversité.

Jacques Tassin, Maurice Genevoix l’écologiste, Odile Jacob, EAN : 9782738153579 Prix : 17.90 euros

Fanny Bousquet


August Sander

5 novembre 2020

Découvrez la collection Photopoche des éditions Actes Sud qui rassemble sur papier glacé des photographies célèbres dans une grande qualité de reproduction.

Pour la somme de 13 euros, vous pourrez ainsi arpenter 63 photographies majeures d’August Sander (1876-1964) reproduites en duotone dans la collection photopoche dès octobre 2008. Grâce à une introduction très riche de Susanne Lange, le lien entre chaque photographie fait sens et c’est toute l’œuvre d’August Sander que nous comprenons comme faisant partie d’un même objectif: rendre compte de la réalité sociale de son temps avec un souci accru de l’objectivité et un refus d’artialiser ses photographies. En somme, August Sander entendait rompre avec le mouvement artistique des photographes qui l’ont précédé et devient le précurseur, en photographie, du réalisme social. L’honnêteté de la représentation, caractéristique de l’œuvre de Sander, loin de rendre ses photographies neutres ou fades les met en relief : la pertinence des poses non artificielles, des choix de visages et des lieux témoigne d’une grande subtilité dans l’exercice de sa profession, notamment d’une observation précise des mœurs de son temps.

Le fondateur du Centre National de la photographie, Robert Delpire,  ne tarit pas d’éloges à propos d’August Sander:

Avec une admirable obstination, ce maître de la sociologie sans paroles a fait sur  trois Allemagne, celle de Guillaume II, celle de Weimar, celle d’Hitler, le portrait d’un pays convulsif et secret. Il a porté la même lucide attention aux ouvriers, aux banquiers, aux bourgeois ou aux soldats. Il avait une seule ambition : dire la vérité sur les hommes”.

Dans son fameux recueil intitulé  Hommes du XXe siècle ( Menschen des 20. Jahrhunderts), Sander s’attache à “voir les choses comme elles sont et non comme elles devraient ou pourraient être“. Pour ce faire, le matériau de base de son travail est, selon ses propres dires, le paysage. D’ailleurs, c’est sans doute des photographies de paysage et en particulier des photographies botaniques qui l’ont inspiré dans cette quête d’objectivité qu’il a menée en photographiant des visages. En effet, à l’instar de Karl Blossfeld (1865-1932) qui fut célèbre grâce à la publication, en 1928, de Formes primitives de l’art, rassemblant de nombreux clichés botaniques “objectifs”, August Sander publie l’année suivante Visages d’une époque (Antlitz der Zeit), le premier volet d’Hommes du XXe siècle, alors préfacé par Alfred Döblin.

Dans sa préface, Susanne Lange parle d'”exactitude artistique” pour caractériser le travail d’August Sander, expression qui n’est qu’apparemment oxymorique. C’est tout un art d’être exact en photographie, et si l’art en lui même a longtemps été considéré comme “objectif” par rapport à la subjectivité traditionnellement associée à l’art pictural, il s’agit de se méfier de cette prétendue objectivité de facto de la photographie, qui implique souvent des mises en scène, des temps de pause assez longs générant des flous, obscurcissant les coins et ainsi, dénaturant souvent la réalité de son référent. Avec les portraits des Jeunes Paysans, du Pâtissier ou encore du maître-serrurier, Sander tente de capter une information quasi documentaire dans l’expression du visage de ces hommes, et les choisit en fonction du fait qu’ils incarnent leur fonction au sens propre: ils l’ont dans la peau.

Issu d’une famille de neuf enfants, Sander travaille à la mine avant de faire de la photographie. Il connaît donc le travail des hommes qu’il photographie, il n’a pas l’œil détaché de l’artiste, mais l’œil lucide de l’ouvrier qui témoigne. Dès 1903 il commence à recevoir des distinctions pour ces photographies lors d’expositions et en 1913 il s’installe à Cologne où il ouvre son propre atelier de photographie dans le quartier de Lindenthal. Lors de la première guerre mondiale, alors qu’il est enrôlé dans la réserve territoriale, son épouse prend le relais de son activité, elle le remplace en réalisant des portraits de soldats.

Dans les années 1920, August Sander, rentré  depuis 1918, intègre le groupe  des Progressistes de Cologne autour de Heinrich Hoerle et de Franz Wilhelm Seiwert. Selon Wieland Schmied, cette union d’artistes “cherchait à concilier constructivisme et objectivité, géométrie et objet, général et particulier, conviction avant-gardiste et engagement politique ; elle représentait peut-être la tendance la plus riche d’avenir de la “Nouvelle Objectivité”, lorsque la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes (…) mit aussi une fin brutale à ses espérances-là”.

Ce groupe de progressiste diffusait leur Revue A bis Z où August Sander put publier ses photographies. Si la peinture se charge de reléguer une vision utopique du monde, selon Seiwert, la photographie, quant à elle doit établir des documents sur la réalité d’une époque, afin que cette époque puisse être connue et vue par la postérité. C’est l’objectif de Sander, tout au long de son travail. D’ailleurs, l’ordre est important et n’est pas fortuit dans ses œuvres. En effet, les clichés d’Hommes du XXe siècle sont ordonnés selon “le chemin qui va depuis l’homme dont l’acte est lié à la terre jusqu’à l’apogée de la culture de ses manifestations les plus délicates, avant de redescendre jusqu’au faible d’esprit“. Son cheminement se termine par la photographie d’une femme sur son lit de mort intitulée Matière: Il y a donc un retour à la terre. La terre, le paysage est pour Sander à la fois origine et fondement dans la pratique de son art.

Fanny Bousquet